1er octobre 2018, fin officielle de la promotion 2017/2018 du GAF 74. Pour marquer la fin de ces deux belles années de formation, nous sommes allées mettre en application nos acquis dans les magnifiques montagnes slovènes. Et pour parfaire l’aventure et être sûres de rester dans le droit chemin, nous avons embarqué dans nos bagages notre super guide Julia Virat.
Remontons avec vous le fil de cette belle aventure :
Dimanche 12 août 2018, 8h du matin (+/- 15 minutes suivant les personnes). Nous voici réunies à Chamonix, à l’entrée du tunnel du Mont Blanc. Les voitures sont pleines à craquer de matériel de grimpe et de camping en tout genre. Nous, nous sommes surmotivées. Notre destination se trouve quelque part à environ 8h de route d’ici (+/- 1h suivant les voitures !…). Pauses capuccino et paninis en Italie.
Doucement nous commençons à voir apparaître au loin, puis de plus en plus près de belles montagnes tantôt italiennes, tantôt autrichiennes et enfin slovènes. Nous sommes déjà subjuguées par ces immenses faces calcaires dont le blanc tranche avec le vert des forêts de conifères.
Le décor est planté.
Camp de base : le camping Kamne dans le village de Dovje, non loin de Kranjska Gora (LA grosse station du coin), au pied du fameux massif du Triglav, Alpes Juliennes.
Belles montagnes minérales, abruptes…
Lundi 13 août Après avoir bu quelques bières slovènes gouté les spécialités locales la veille, nous profitons que la troupe ne soit pas encore au complet pour organiser notre camp, faire quelques provisions et aller nous promener du côté du Col Vrsic, l’occasion d’aller voir de plus près ces mystérieux sommets.
18h. A peine nos trois retardataires arrivées et installées, nous nous penchons ensemble sur cartes et topos et établissons un plan de bataille du séjour.
Notre objectif : LA face nord du Triglav… Et ce sera par la « German Route » (rebaptisée la « Voie Germaine » pour l’occasion) que nous décidons de la gravir.
La Face nord du Triglav
La météo de la semaine ne s’annonce pas fabuleuse… Mauvais temps prévu le lendemain. Un créneau favorable semble se profiler pour mercredi et jeudi, puis incertain pour la suite. La décision est unanime : on met toutes les chances de notre côté, nous tenterons le Triglav mercredi, avec une possibilité de report le lendemain en cas d’aléa.
Mardi, nous irons repérer l’approche de la voie et nous espérons voir un bout de cette fameuse face nord. Pour l’occasion, nous avons réussi à dénicher un guide local qui nous accompagnera dans notre repérage.
Mardi 14 août, 6h30. Comme prévu, nous nous réveillons avec le mélodieux son de la pluie sur nos tentes. Pas le temps d’hésiter, Blaz, notre guide local, nous attend de pied ferme. Nous attrapons Gore tex et parapluies et filons en direction du départ de la marche d’approche. La chance est avec nous, la face se laisse observer entre les gouttes. Même à demi-visible elle est impressionnante, intimidante. Blaz nous fait une lecture de la voie, ses conseils nous serons précieux le lendemain. Nous continuons à discuter et à étudier le topo autour d’un bon café au chaud dans le Aljazev Dom (=refuge).
10h. Une fois bien éclairé sur l’itinéraire, le groupe se sépare, avec pour mission : équipe 1 au repérage de la marche d’approche que nous ferons de nuit le lendemain si la météo le veut bien, équipe 2 aux préparations des vivres de course.
Sérieuses, mais toujours avec le sourire ! @Julia VIRAT
13h. Nous débriefons des dernières informations glanées, des conclusions de nos repérages, nous nous mettons en appétit devant les provisions du lendemain (nous n’aurons jamais si bien mangé sur une course d’alpi !). L’heure est aux préparatifs des sacs, à la planification de la course, à la composition des cordées (parce que oui, nous ne l’avons pas rappelé, mais nous sommes 7 + Julia, ce qui signifie que tout doit être au poil pour minimiser les effets d’inertie du groupe).
15h. Rétroplanning, heure de lever, heure de départ, heure du lever de soleil, deadline horaire pour une éventuelle sortie de la voie anticipée, tout est calé. Les sacs sont empactés. Le temps libre de l’après-midi est mis à profit : sieste pour les marmottes (on ne citera pas de noms), visite de Bled pour les autres.
20h. Il pleut des seaux d’eau, ou plutôt il pleut des cordes si on veut rester sur le thème du séjour ! Rien de bien rassurant pour demain… C’est un peu anxieuses que nous nous couchons le soir.
Nos rêves, bercés par le bruit des gouttes sur nos toiles de tentes, sont dirigés vers cette immense face qui nous attend, 1 500 mètres de calcaire blanc, ça a de quoi en impressionner plus d’un !
Mercredi 15 août, 2h du matin. Le réveil est un peu difficile (enfin, pour celles qui ont dormi). Quelques gouttes se font encore entendre sur les tentes. Peu importe, nous sommes déjà debout, bientôt chaussures aux pieds et sacs au dos dans les coffres.
Ce soir, si tout va bien, nous dormons au Triglavski dom !
30 minutes de voiture plus tard, nous voici au départ. Frontales sur la tête, nous commençons à marcher. La pluie a cessé. Les étoiles nous accompagnent un moment. Nous marchons religieusement les unes derrière les autres, silencieuses, mais tout de même concentrées pour ne pas marcher sur la multitude de salamandres noires rencontrées sur le chemin.
Les premières lueurs du jours apparaissent alors que nous atteignons l’attaque de la « German Route ». Timing parfait. Le temps de s’encorder, nous débutons à grimper sans frontale.
5h30. Test des Talkies-walkies. Les choses sérieuses commencent. 1 200 m de difficultés. Probablement 14h de course dans un niveau III – IV, dans un rocher, on ne le sait pas encore, assez médiocre.
Laura et Lucie prennent la tête des opérations dans la première partie de la course, suivies de près par Caroline et Floriane (notre vidéaste / photographe du séjour !). Valentine, Sophie et Marine ferment la marche. Julia veille au grain.
La progression est agréable, l’escalade jamais très difficile et l’ambiance superbe. La recherche d’itinéraire est intéressante. Quelques pitons nous permettent de nous rassurer sur nos choix.
9h. Nous sommes rattrapées par un guide Slovène et ses deux clients…. français ! « Oh it’s a French day ! » (ils sont bien ces slovènes, il ne s’étonnent pas de voir une grappe de 8 nanas dans cette monstrueuse face ! Prenons-en de la graine !).
Lever du jour sur la vallée…
Ca grimpe… @Julia VIRAT
Recherche d’itinéraire…
10h. Petite erreur de parcours. Nous nous embarquons dans ce qui va devenir une impasse. Après plusieurs tentatives échouées de progression et quelques « cailloux » envoyés sur les copines, nous entamons une réchappe. Construction d’un relais de fortune, installation d’un rappel. Tout le monde descend.
11h. Retour au point « d’erreur ». Les cordées sont remixées. Une nouvelle cordée se charge d’ouvrir la voie. Tout le monde se remet dans le rythme. Le rythme doit être tenu, pas facile ! Il se réduit au fil des heures, avec les forces qui commencent à s’amenuiser. Se réduit d’autant que les chutes de pierres s’accélèrent.
14h. Nous devons faire un choix. Nous avons atteint le point, ou plutôt la vire, à partir de laquelle deux options s’offrent à nous : poursuivre la « German Route » (500 mètres de difficultés, davantage techniques que ce qui a été gravi avant, nombreux passages en IV), ou bifurquer sur la « Short German Route » (200 mètres de difficultés dont un passage en IV-).
Belle ambiance dans la face… @Julia VIRAT
Nous sommes toutes les 8 assises en silence sur cette vire. Quelques larmes finissent de sécher aux coins des yeux de certaines. Plus de 9h que nous évoluons dans cette face. Nous sommes fatiguées mentalement. La qualité du terrain s’est bien dégradé ces 2 dernières heures. Nous grignottons en silence. Julia nous observe. Il faut prendre une décision. Elle nous questionne tour à tour, sur notre état de forme, nos envies, notre état d’esprit. Le choix est dur. Le groupe est partagé entre l’envie de se surpasser encore et de poursuivre, de se « rentrer dedans » (dixit Marine), et la raison qui voudrait qu’on abrège nos souffrances. Nous sommes capables de continuer et de finir ce qui a été commencé, en utilisant les maillons forts du groupe et peut-être le joker Julia. Mais le craquage serait interdit pour chacune d’entre nous, nous devrions sortir par le haut coûte que coûte. Tic tac, tic tac. La raison prendra le dessus (pourquoi faut-il être raisonnable ?). Notre parcours est déjà beau, très beau, et la route n’est pas finie. Les capacités sont évaluées, les cordées adaptées. Maintenant plus que jamais, le mot d’ordre est « collectif ». Toutes les forces vives sont utilisées pour sortir l’équipe de cette voie.
14h30. Les cordées sont reparties, plus solidaires que jamais. Il est impératif que chacune reste concentrée et que toute continue à faire confiance au groupe. On n’a pas le droit de craquer.
La qualité du terrain se dégrade encore. Il devient plus que délicat. Ne pas envoyer des pierres sur les copines devient une véritable prouesse (« Soyez moelleuses les filles » dixit Julia).
Balade de vire en vire… @Julia VIRAT
C’est le moment choisi par un troupeau de slovènes et de tchèques pour faire éruption dans ce magasin de porcelaine dans lequel nous évoluons. L’ambiance devient vraiment stressante. Le brouahah généré par ce joyeux groupe associé aux fracas des chutes de pierres éprouvent nos nerfs.
Le dernier passage délicat est négocié tant bien que mal (on aura bien sué, Julia aussi !), les grimpeurs fous évités. Nous arrivons enfin à la fin des difficultés. Nous sortons définitivement de la face.
17h. Pause. Julia nous sort sa dernière arme : des crocodiles Haribo. Les visages se décrispent, les sourires réapparaissent doucement, puis laissent finalement place aux éclats de rire. Quelle aventure !
L’Equipe, heureuse, au sommet de la voie ! @Julia VIRAT
17h30. Re-boostées, nous partons en direction du refuge du Triglav. Il nous reste une grande pente d’éboulis à remonter pour atteindre le vaste plateau dessertique dominé par le sommet du Triglav. Le refuge se trouve quelque part au milieu de ce champ de cailloux qui s’étend à perte de vue.
Plateau sous le refuge. @ Julia VIRAT
19h. Nous sommes enfin arrivées au refuge, ou devrait-on plutôt l’appeler l’hôtel. 350 places d’après les dires de Blaz ! Ca fourmille dans tous les sens là-dedans. Le gardien est très accueillant et taquin ! Il nous a même semblé voir dans son regard de l’admiration lorsque Julia lui a montré sa carte de guide.. Héhé…
20h. Nous sommes autour de la table, les joues rougies par la longue journée passée dehors (et un peu la bière ?!). Nous commençons à prendre conscience de ce que nous venons de faire. Nous regardons quelques photos, les langues se délient un peu. Nous l’avons fait ! La pression retombe (fois mille pour Julia !), la fatigue nous assomme. Ce soir, nous ne ferons pas longs feux.
Jeudi 16 août. 8h. Grasse matinée bien méritée. La nuit a été bonne pour certaines, agitée pour d’autres. Mais pour toutes le repos a été plus qu’apprécié.
Notre objectif du jour est d’aller toucher le sommet du Triglav. Nous passerons pour cela par la voie normale. Un sentier aérien, cablé, et tout de même bien esthétique (environ 200 mètres de dénivelé, 1 heure de marche).
10h. Nous partons en direction du sommet, aujourd’hui c’est zéro pression ! L’itinéraire est extrêmement fréquenté. Chaque Slovène se doit de réaliser l’ascension du Triglav une fois dans sa vie pour devenir « citoyen ». Coutume étrange, lorsque le sommet est atteint pour la première fois, l’ascensionniste se doit d’être fouetté trois fois à l’aide d’une corde. Nous assistons donc à cette scène, assez dubitatives.
Nous faisons à notre tour l’animation du sommet lorsque nous essayons de rentrer à 8 dans le minuscule bivouac posé au sommet. Défi réussi !
En route vers le sommet…
Julia et les Gafettes au sommet du Trigalv. @Julia VIRAT
13h. Retour au refuge. Nous récupérons les affaires laissées le matin, mangeons un bout et prenons le chemin de la descente. Loooongue descente. Le chemin est par moment très aérien et étroit. La concentration est de mise, tout faux pas est interdit !
Attention, aux pieds…
17h30. La descente est terminée. Nous nous retrouvons au point de départ. La face nord est entièrement dégagée. Nous l’admirons. Nous l’avons fait. Nous l’avons gravi. Nous avons « coché » le plus haut sommet de Slovénie. Notre objectif commun de ces derniers mois. Un peu de fierté ? Sûrement.
19h. Pas le temps de se reposer. Alors que l’on cherche de quoi se mettre sous la dent (l’hypo nous guette sérieusement), nous essayons de mettre au point un programme pour les jours à venir. Les dernières prévisions météo sont finalement plutôt bonnes. L’état des troupes ne nous permet pas de raisonnablement repartir dès le lendemain matin pour une grosse journée en montagne. Nous optons donc pour un programme plus « sage ». Nouvel objectif : le Skuta, dans les Alpes Kamniks. Pour cela, nous monterons demain au bivouac Palveta Kemperla et nous irons samedi au sommet via son arête sud.
Vendredi 17 août. Ce jour, nous quittons les Alpes Juliennes en direction de l’Est. Ciao le Triglav !
14h. Sacs sur le dos,c’est parti. Pourquoi sont-ils horriblement lourds aujourd’hui ? Le prix à payer pour s’offrir le luxe d’une nuit en bivouac… La montée est chaude, raide, efficace. Pause au refuge. Nous faisons le plein d’eau et de bières sur le chemin à un petit refuge. Pauvres épaules…
19h. Le bivouac se détache dans le brouillard. Minuscule cabane posée sur la crête. Des chamois nous regardent au loin. Bonne nouvelle : personne en vue, nous allons avoir le bivouac pour nous seules ! Et lorsque l’on voit l’espace disponible à l’intérieur, on se dit que c’est plutôt une excellente nouvelle ! L’ambiance est vraiment joyeuse. Nous sommes simplement heureuses d’être là ce soir, ensemble. Nous débriefons de notre aventure au Triglav, et nous en rigolons beaucoup.
En route vers le Skuta !
Notre logement du jour !
21h. Des frontales au loin. Deux gars, puis trois autres arrivent. Ils veulent dormir ici. Nous sommes déjà au complet. Au prix d’un audacieux jeu de Tétris, nous finirons par leur trouver un peu de place…Mais on était loin de se douter que nos « amis » slovènes, ivres, allaient passer la nuit à sortir en catastrophe vomir sur le pas de la porte… Cette soirée et nuit qui s’annonçaient si bien…se transforment en un sacré calvaire.
Samedi 18 août 4h. C’est presque avec soulagement que nous entendons le réveil sonner ce matin. Les yeux ont du mal à s’ouvrir. Personne ne s’est fait vomir dessus pendant la nuit, houra !
5h. Départ en direction du Skuta. Le soleil se lève doucement alors que nous nous équipons. Nous manquons d’efficacité ce matin. Les gestes sont lents, les décisions poussives. La voie : 350 mètres de difficultés, dans un niveau III/IV. Elle est réputée pour être une des plus belles voies dans ce niveau de difficultées en Slovénie. Le rocher est, paraît-il, excellent.
6h30. Nous commençons à grimper. L’escalade est vraiment belle, parfois bien aérienne, le rocher plutôt bon, on ne nous avait pas menti ! Mais les longueurs ne s’enchainent pas aussi vite que prévu. La fatigue accumulée et la petite nuit passée ont laissé des traces. Julia tente de nous botter les fesses « Turbo Boost !! » mais sans grand succès (merci pour ta patience Julia !). La confiance n’y est plus, nous hésitons sur chaque geste, l’appréhension reprend le dessus, les petites bêtises s’accumulent. Place à quelques petits craquages. Mais Julia arrive a nous redonner le sourire. Et qu’est-ce qu’on s’amuse avec les takie-walkies !
14h. Après une belle bataille et un dernier passage fort esthétique à travers une belle arche, nous finissons par atteindre le sommet. Pause bien méritée. La prestation collective du jour n’aura pas été fameuse…
18h. Retour au parking. La descente aura encore été bien longue. Nous sommes rincées. Quel bonheur de poser une nouvelle fois les sacs et d’enlever nos chaussures. Certaines auront même le courage de se jeter dans un lac un peu plus bas sur la route… Au passage, bon anniv Laura !
Du gaz… @Julia VIRAT
Joli passage d’arche. @Julia VIRAT
Dimanche 19 août. Nous nous quittons avec déjà l’envie de partager de nouvelles aventures. Nous avons un peu la boule au ventre. Le GAF, bah c’est déjà terminé… Cette expérience, ces deux années, nous aurons permis de grandir, et pas qu’en montagne, et de se faire de nouvelles amies.
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La face nord du Triglav…
« Un grand merci à la FFCAM de nous permettre de vivre ça, et un immense merci à nos guides, Bertrand, Marion et Julia, et à Tanya initiatrice, sans qui ce groupe n’existerait pas. Une mention spéciale à Julia qui a accepté de nous accompagner dans notre aventure Slovène, qui a cru en nous et qui nous a poussé dans nos retranchements pour en faire sortir le meilleur de nous même. Les mots ne seront jamais assez forts pour vous exprimer notre gratitude… »
Les Gafettes 2017 / 2018 : Laura, Marine, Sophie, Floriane, Caroline, Valentine et Lucie. (Une pensée pour Kristina qui a quitté le groupe en cours de route mais avec qui nous avons partagé de bons moments !).